Contes Ordinaires

Ces contes ordinaires sont les résultats de visions. J’y raconte un souvenir, une période de ma vie, où viennent s’introduire des éléments insolites: les personnages familiers deviennent alors nimbés de mystère et des phénomènes magiques prennent place. Comme dans les nouvelles de Dino Buzzatti, j’ouvre la porte d’un monde onirique qui peut parfois être angoissant.

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Trois silhouettes

Je distingue trois silhouettes au milieu de la brume et de la neige, si haute qu’elle leur arrive aux genoux. Mais ils sont petits, anormalement petits…
Des enfants ? Que se passe-t-il ? Ils sont disposés en cercle comme pour réaliser un sortilège, une incantation. Ils n’ont pas l’air de jouer. Ou peut-être est-ce un jeu sorti d’un autre temps, d’une autre enfance que celle que nous avons connus. Ils se tiennent droits, les uns en face des autres, immobiles. Derrière l’un d’entre eux, se mêlant au blanc de la neige, traîne un pan de tissu. Est-ce un accessoire pour le jeu auquel ils s’adonnent ? Un objet fétiche ? Impossible de le savoir à moins de s’approcher pour leur demander…

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Un pas, personne ne bouge. Deux pas, aucune tête ne réagit mais je sens des yeux se poser sur moi. Pourtant aucun d’entre eux ne s’est retourné pour me voir. La neige a étouffé le bruit de mes pas. Un troisième pas et c’est le brouillard qui me fait suffoquer… Ou bien est-ce ce regard, cette sensation d’être observée, scrutée dans les moindres détails. Mais c’est moi l’observatrice ! Pourtant la peur me paralyse presque, je me force à avancer d’un quatrième pas vers ces trois silhouettes, toujours aussi stoïques. La neige recouvrant mes pieds pèse à présent une tonne. Ce dernier pas est le plus difficile que je n’ai jamais entrepris. Tout comme la neige, les yeux qui m’observent pèsent… ils sont lourds comme de la roche. Mais alors que je relève les miens, les silhouettes me semblent s’être éloignées.

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C’est la brume ! La brume suffocante qui s’épaissit. A présent ce n’est plus une paire d’yeux, mais une multitude qui m’observent et me forcent à me retourner. Et je vois ces trois personnes toujours immobiles, disparaissant derrière cette épaisse fumée, qui me brûle les poumons, m’empêche de respirer. Et tout à coup, je ne vois plus rien, ne sens plus rien. Le néant m’a absorbée. Comme au milieu d’une page blanche, plus de silhouettes, plus de regards… Ne persiste que la neige et le brouillard qui est redevenu léger, frais. Je me mets alors à courir en direction de ces personnes. Rien…

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Il n’y a plus âme qui vive, si vivant il n’y avait jamais eu. Je me retrouve seule, épuisée et soulagée, au milieu de cette page blanche.